Cette guerre locale a mis en lumière un conflit global, « l’Occident contre le reste du monde », à la fois un triomphe (l’exploit diplomatique de Poutine) et un désastre : plus de tierce partie, à moins d’espérer une intervention d’extra-terrestres ; sinon, plus d’Europe, plus de France, réduite au sort misérable de province du protectorat cisatlantique…
A moins de réveiller les morts ?
I have a dream. Imaginez un « discours de Kiev » faisant valoir aux Ukrainiens les avantages d’une neutralité, façon helvétique, « garantie par la France, qu’afflige cette guerre fratricide entre nos cousins slaves » ; France, « messagère de paix, de Brest à Vladivostok », évidemment…
Un discours promettant aux Russes et aux Européens la prospérité par l’arrêt des sanctions-boomerang et le soulagement par la mise à la retraite d’une « organisation belliqueuse autant qu’anachronique » (lire : l’OTAN, 75 ans, en rémission de coma cérébral).
Un discours exortant les Américains à prendre exemple des Chinois, « dont la puissance recouvrée jamais n’aveugle la sagesse » … « accèdant par le négoce et non la guerre aux ressources que recèle l’immense espace russe, souvent violé, jamais conquis » (on a frôlé l’alexandrin).
Un discours d’avertissement contre le projet de démembrer la Russie « folle conspiration échaufaudée par un quarteron de stratèges déboussolés » (allusion transparente à Brzezinski, géostratège américain d’origine polonaise atteint de russophobie chronique, et qui a contaminé tous les dirigeants US, de Carter à Biden)… au risque d’un « épouvantable chaos », façon Moyen-Orient : « Qu’ils se taisent, ceux qui ne savent ni l’histoire [1812, 1941…] ni la géographie et confondent la Mer Noire avec l’Atlantique Nord ! ».
Hommage risqué mais nécessaire aux vaillants combattants ukrainiens dont la résistance impressionne jusqu’à leurs adversaires, « mais qui seraient bien inspirés de résister tout autant aux tripatouillages intéressés d’autres puissances étrangères » (gageons que les traducteurs ont laissé « tripatouillages » en français dans le texte.)
Un discours, enfin, exaltant cette « Grande Russie qui n’est pas seulement un empire, mais une civilisation millénaire, née à Kiev, en terre d’Ukraine… « Et qui entend le rester », conclurait hardiment notre cher disparu, d’un truisme grandiose rafraîchi par l’ambiguïté (les lecteurs érudits auront reconnu l’impayable « Je salue Fécamp, port de mer et qui entend le rester », juillet 1960).
Quant au finale, il coule de source : « Vive l’Ukraine libre, vive la Russie éternelle, vive l’Europe réconciliée ! »
Grandiloquent, diront les minus et les pisse-froid, mais croyez-moi, ça touche au cœur.
Résumons : administrer une leçon de « doux commerce » à l’ami américain, sur le modèle de la Chine communiste ; lui faire savoir en passant qu’il commence à nous les briser menu (Michel Audiard, ça repose de Chateaubriand) à vouloir rendre le monde meilleur ; adresser au Russe une élogieuse réprimande, lui rappelant sa charge de civilisation ; et pour finir : une leçon de réalisme à tout le monde.
Il y a décidément quelque chose qui ne va pas dans cette histoire d’Occident contre le reste du monde : il manque quelque chose, quelqu’un, quelqu’une : France, puissance « moyenne » ? A d’autres !
Dur, dur, de se réveiller dans l’hexagone ou plutôt le triangle Macron-Mélenchon-Le Pen (de nos jours, même la géométrie rétrécit), à l’âge de la retraite (ce qui nous reste d’avenir), de la dette souveraine (ce qui nous reste de souveraineté) et du pouvoir d’achat (ce qui nous reste de pouvoir).
Mais qui a dit qu’il ne faut pas rêver ? Il suffit de se remémorer : le (vrai) « discours de Phnom Penh » après tout, c’était hier (1966)…
Pour sûr, c’était mieux avant ! Avant l’âge de la retraite, justement…
Accueil > Les temps qui viennent > Europe > De Gaulle : discours de Kiev (posthume)
La guerre en Ukraine, comme le carnaval en France, se poursuit, indéfiniment, et pour les mêmes raisons : plus personne au-dessus des parti(e)s.
Un message, un commentaire ?
Envoyer un message à l'auteur : Contact