On a beau dire, mais il se passe des choses très intéressantes dans le PPF (Paysage Politique Français, rien à voir avec Doriot). Le bloc central (Macron stricto sensu) a rétréci, disons de 25 à 15-20 % (si l’on tient compte des LR compatibles). A gauche deux sous-ensembles pour le moment réunis dans un front populaire farcesque (pour mémoire, Marx : quand l’histoire se répète, la deuxième fois sous forme de farce…) ; le courant Glucksman (14 % tout de même !), le « flotteur de gauche » (selon la juste expression d’un commentateur), un flotteur aussi gros que la coque, c’est pas banal ; le reste, disons LFI, constitue moins une opposition qu’une frange radicale : sur tous les « sujets de société » elle se situe dans l’axe du macronisme de progrès, auquel elle n’oppose qu’un « pas assez » ; LFI forme décidément une étrange mixture, probablement instable, de vote bourgeois très branché sur le sociétal, et de vote musulman nettement plus soumis (à la tradition) ; et cela seulement « faute de mieux », à savoir un vrai parti confessionnel… Pour ce qui est du « et en même temps », il faut reconnaître que Mélenchon en remontre à Macron, d’autant qu’il panache avec un discours « social » rétro (les retraites, le pouvoir d’achat, etc.) ; mais, sur ce plan, les électeurs se rassemblent à l’évidence sur l’autre « front », le populiste…
A droite, le RN emprunte lentement mais surement la voie Meloni, i.e. la voie du ralliement à l’italienne : combinazione de réalisme machiavellien et de cynisme gattopardien (bienvenue à Lampedusa !) qui excelle à tout changer en paroles pour que rien ne change sur le porte-avion de l’OTAN (l’Italie), fermement ancré aux côtés des USA dans le conflit « ukrainien » ; côté immigration c’est la débandade ; sous la pression d’un patronat apatride et faute de réarmement démographique (bye bye Mussolini), Giorgia Meloni « ouvre comme jamais depuis dix ans les vannes de l’immigration de travail » nuance France Info. Travail, familles regroupées, patrie submergée, merci Giorgia, on a déjà donné…
Au total, si l’on combine avec la macronie résiduelle, la gauche compatible et la droite « réaliste » (un RN melonisé), et si on y ajoute les ambiguïtés et les débuts de panique des uns et des autres, on se dit qu’un « et à droite et à gauche » relooké se profile, et que l’oligarchie ne se porte pas aussi mal que le laissent penser les européennes. Surtout si l’on considère qu’un gouvernement RN ou FP, peu importe, ne peut que faillir et donc défaillir (le pari macronien, sans doute) : pas mal de bourgeois de gauche effarouchés sont déjà en train de se résoudre, la mort dans l’âme assurément, à voter, non pas Macron (ça c’est trop dur), mais « pour la majorité sortante ». Vote de classe en somme, auquel on revient toujours quand ça devient sérieux, et vote rationnel à cet égard…
En bref et pour oser un très mauvais calembour digne d’un humoriste radiophonique : si Macron n’a pas gagné les élections, l’oligarchie arpente convulsivement la salle des pas perdues.
Reste à savoir si l’ampleur des dégâts occasionnés par le pari macronien ne risque pas de pulvériser ces petits calculs et nous précipiter dans le fameux trou noir ; or, le calendrier n’est pas bon : après l’Euro de foot, incertain (à domicile, il n’est pas acquis qu’à la fin c’est l’Allemagne qui perd), les JO devraient s’ouvrir moins de trois semaines après le 2e tour : est-ce à dire que des policiers harassés, éventuellement démotivés par une victoire électorale du FP, vont devoir affronter en même temps l’événement sportif et les manifs ?
La seule bonne nouvelle, c’est que les vacances arrivent dans la foulée : après tout, elles ont mis fin à mai 68… Et qui sait, une bonne petit pénurie de carburant, miraculeusement levée aux alentours du 31 juillet pour nous remettre en marche, direction la plage, sous les pavés de bœuf au barbecue ?
Qui a dit qu’il ne faut pas rêver ?