Luther, Kant, Twitter ? Le rapprochement peut paraître forcé, et pourtant… Désormais, la Loi morale, au lieu d’être dictée d’en haut par Dieu (à Moïse, le médiateur), « habite » pour ainsi dire tout un chacun : en termes philosophiques, le transcendant (Dieu) est devenu transcendantal (ego). L’homme, parvenu à l’âge adulte (c’est la définition kantienne des Lumières), peut se passer d’institutions médiatrices : « le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi »… et rien entre les deux, sinon les trois Critiques ?
En tout cas, le « pouvoir spirituel » (l’Église, avant la Réforme) va progressivement se « décentraliser », jusqu’à l’extrême : tour à tour ou concurremment exercé par les « intellectuels », les politiques eux-mêmes, des juges et des médias (« politisés »), et bien d’autres… Jusqu’à ce que les réseaux sociaux où s’activent de nos jours les éveillés du mouvement Woke lui donnent enfin toute sa virulence… Du « tous pasteurs » luthérien au tout un chacun directeur·trice de conscience (« la loi morale en moi » !) du pouvoir et de la société. Tous... inquisiteurs !
On est bel est bien passé d’une médiation verticale, hiérarchisée, sélective, localisée, temporalisée, à une plateforme horizontale, ouverte, globale, et accessible 7/7 et 24/24… En d’autres termes, et dans un saisissant raccourci : de l’Église catholique, apostolique et romaine à Twitter. Et si le rapprochement paraît encore forcé, on rappellera simplement que le patron de Twitter, à cet égard plus puissant que le pape face à l’empereur, a fait taire le président des États-Unis.