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Homo ludens

Mutations anthropologiques du profil du c… dans la société contemporaine : analyse et diagnostic

Néo-cons

par Paul Soriano

28 juillet 2021, modifié le 30 juin 2024

Il était généralement admis que le profil du con et sa proportion dans une population quelconque demeurent relativement stables au cours du temps. Comment expliquer alors les mutations du type, ainsi que la brusque augmentation des effectifs au cours des dernières années ?

La légère diminution du QI que certains associent à la fréquentation d’Internet n’est pas convaincante. Pas plus que la baisse de niveau à l’école, que d’aucuns, du reste, contestent : les critères permettant de l’établir (lire, écrire, compter) sont fragiles, surtout depuis que les applis présentes sur n’importe quel smartphone permettent de mener une vie normale sans posséder ces « aptitudes » désuètes.

Le cerveau superflu

Une créature des profondeurs au cerveau minimal erre longtemps avant de trouver un point où se fixer… « Dès qu’elle l’a trouvé, elle survit en se dévorant elle-même. Et ce qu’elle dévore d’abord, c’est son propre cerveau. Ce minimum de matière grise, qui ne lui servait qu’à trouver son lieu, elle n’en a plus besoin, donc elle le dévore. Je me demande si l’espèce humaine n’est pas en train de suivre le même parcours. » (Jean Baudrillard, Les Exilés du dialogue. Entretiens, Galilée, 2005).

L’argument scolaire est d’autant moins crédible que la connerie tend désormais à croître régulièrement avec le niveau de diplôme.

En termes de catégories socio-professionnelle, on constate une moindre proportion dans les professions qui touchent aux réalités matérielles, alors qu’elle explose dans les métiers associés au traitement de l’information, pour la plupart exercés par des personnes ultra-diplômées, justement.

En termes de genre et de classes d’âge on ne relève pas de différences significatives, mais les très jeunes enfants se distinguent, ce qui confirme l’explication sociologique (intégration sociale encore imparfaite) : un gamin de six ans clame qu’il veut manger gras, sucré, salé ; un petit garçon démembre une poupée et déchire une robe offertes par des parents engagés dans la lutte contre les stéréotypes ; une petite fille, de son côté, dédaigne le bazooka (factice) et les Doc Martens miniature censés l’émanciper… À l’évidence, on ne saurait attribuer ces résistances « réactionnaires » aux influences familiales qu’elles prennent au contraire à contre-pied ; et pour être inquiétantes, elles témoignent d’une remarquable immunité ; la correction viendra un peu plus tard : l’adolescence, naguère encore « âge des révoltes », devient celui de la normalisation, avec tout au plus des excès de zèle dans le panurgisme.

Le brouillage des catégories politiques rend difficile le positionnement du con sur l’axe gauche-droite. Non seulement on en trouve à droite comme à gauche, mais l’idéal-type se déclare volontiers « et de droite et de gauche ».

Les variétés de l’espèce (de) con semblent également touchées, aux dépens de la bio-diversité : le pauvre con prolifère, tandis que l’effectif des gros, sales et mauvais cons reste stable ou régresse.

**Intégration sociale

Les anciens cons étaient des espèces de sous-doués : même nombreux, ils restaient minoritaires et en quelque sorte « hors norme »… Le con est désormais au contraire le sujet le mieux adapté à la société telle qu’elle est devenue. Il est la figure même du sujet décrit par les anthropologues de l’homme nouveau, Jean Baudrillard et Philippe Muray.

C’est tellement vrai que l’on repère assez facilement malgré leurs efforts de dissimulation, des faux cons, et c’est plutôt rassurant : il s’agit de gens normaux qui font les cons pour diverses raisons, comme par hasard toutes liées à l’insertion sociale : ne pas se faire remarquer, passer pour quelqu’un de bien, garder son job et/ou l’estime de son chef, ne pas embarrasser sa famille et conserver la garde de ses enfants, séduire une personne de l’autre sexe (ou du même sexe), etc.

Les ouvrages les plus récents traitant de la connerie [1] donnent (involontairement) la clé de tous ces paradoxes. Ils ciblent en effet, à l’évidence, des gens qui échappent d’une manière ou d’une autre à la néo-connerie ; et les auteurs, exaltent du coup, au moins implicitement, les cons parfaits dont ils sont sans doute eux-mêmes des types assez accomplis. L’ouvrage cité est paru peu après l’éruption du mouvement des Gilets jaunes (octobre 2018) – or, justement, on trouve parmi ces derniers une proportion anormalement faible de néo-cons, sans doute associée (mais cela n’a pas encore été clairement établi) à une proportion normale de cons à l’ancienne.

Le livre offre toutefois quelques aperçus plus consistants : « La connerie n’a jamais été aussi visible, décomplexée, grégaire et péremptoire », ce qui est indiscutable ; et avec son acuité coutumière, Edgar Morin observe que la connerie « unit l’erreur, la bêtise et l’assurance ». Assurément !

Le fameux test de diagnostic clinique d’Audiard (« les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît »), reste néanmoins pertinent, à condition de préciser que les audaces des néo-cons ne dépassent jamais les bornes du conformisme.

Quant à l’auteur de ces lignes, il est évidemment le plus mal placé pour s’auto-diagnostiquer. Et a fortiori pour proposer une thérapie – tout au plus rappellera-t-on ici les vertus curatives du sens commun.


[1Par exemple : Psychologie de la connerie, sous la dir. de Jean-Francois Marmion, avec le concours de psychologues, sociologues, écrivains, spécialistes de l’intelligence et des neurosciences (Boris Cyrulnik, Antonio Damasio, Edgar Morin, etc.).

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