Prenant le relais d’une Genèse biblique qui fut longtemps notre récit de l’origine, elle porte encore une empreinte mythique et religieuse, mettant aux prises des divinités abstraites, Nature, Hasard et Nécessité (avec majuscules), et usant d’un lexique de l’action qui introduit clandestinement dans le discours scientifique les sortilèges du récit : le Hasard propose et la Nécessité dispose, la Sélection décide, interdit, favorise, sanctionne, et au bout du compte surgit l’espèce élue…
Auteur de la « deuxième blessure narcissique » infligée à Homo (après Copernic, avant Freud et… Machina sapiens ?), Darwin nous fait renouer avec une animalité à laquelle tant d’autres discours nous avaient arrachés [1] ; à ceci près que L’Origine des espèces projette sur la Nature le modèle de sélection féroce qui règne dans… la société anglaise de l’époque : le darwinisme social ne procède pas du darwinisme scientifique, il le précède.
Comme toute série à succès, le récit inachevé de l’évolution, suggère une « préquelle » (que s’est-il passé avant ?) et surtout une « séquelle » : que sera la prochaine étape, quelle espèce succèdera, le cas échéant, à l’espèce humaine apparue dans la dernière saison ?