Le végétal compte pour 99 % de la biomasse. Vertueuses, généreuses jusqu’au sacrifice, les plantes sont plus intelligentes – moins « bêtes », forcément, que les animaux ! Elles excellent dans la chimie de pointe (photosynthèse). Résilientes, elle survivent dans des milieux d’où toute autre vie (humaine notamment) a disparu : voyez Tchernobyl. Écologiques, elles pratiquent systématiquement le recyclage. Créatives de naissance : une rose est une œuvre qui se crée elle-même, elle pratique un body-art autrement convaincant que celui des artistes à deux pattes.
Elles se donnent en spectacle. Elles usent de leur séduction, des vents et des abeilles pour essaimer la vie, elles déroutent la brise et la bise pour composer sans tambours ni trompettes de discrètes symphonies chromatiques et parfumées : art total.
Pas d’angélisme ! Elles savent faire preuve d’obstination perverse : le jardinier aux prises avec les « mauvaises herbes » connaît l’opiniâtreté des pissenlits, qu’il lui faudra encore à la fin, bouffer par la racine. Mais ils lui survivront… Les absurdes « plantes carnivores » sont des êtres dégénérés, diaboliques, à l’image de la vache folle dans le règne animal. Sinon, leurs armes sont inoffensives – mis à part le champignon hargneux et la ciguë vindicative, qui tua Socrate par contrainte.
Le Végétal tutoie la perfection divine. « La rose est sans pourquoi » dit Angelus Silesius, aucune cause ne la précède. Elle est, causa sui. Alléluia !
Du coup surgit un doute : l’homme, couronnement de la création, vraiment ? Et si l’évolution darwinienne anthropocentriste était une involution, une dégradation ?
À moins qu’elle dissimule un dessein intelligent (intelligent design), du reste entrevu par un disciple de Darwin, Richard Dawkins, dans son ouvrage Le Gène égoïste [1] . Dans cette perspective, les végétaux, plus retors qu’on ne croit, se serviraient des hommes pour se faire cultiver ; de leur technologie pour se perfectionner (OGM) ; et de leurs capacités de destruction pour accélérer leur propre adaptation, à la radioactivité, par exemple.
L’humanité finissante accède peut-être à la sagesse. Sur ce chemin, l’animalisme n’est qu’une étape et le végétalisme le terminus. Après quoi nous pourrons disparaître, mission accomplie. Et restituer enfin aux plantes, nos amies, nos mères, les minéraux dont elles nourrissent leur inlassable et paisible industrie.